DROIT A LA VIE ET DROIT AU RESPECT DE LA VIE PRIVEE

La CEDH a réaffirmé dans l’affaire Charlie Gard de juin 2017 certains principes en matière de fin de vie. Ainsi, elle a conforté la jurisprudence selon laquelle les Etats-parties disposent d’une marge de manœuvre concernant aussi bien la décision d’arrêt des soins que l’accès aux soins expérimentaux. Elle a ensuite rappelé que l’intérêt supérieur de l’enfant est un fondement suffisant pour légitimer une ingérence étatique dans les droits des parents, tels que protégés par l’article 8 de la Convention.

  Vincent Humbert, Vincent Lambert, Marwa, Charlie Gard, ces noms ont une résonnance particulière pour quiconque suit l’actualité juridique et médicale de ces quinze dernières années. Il est désormais rare qu’une année passe sans qu’une affaire concernant des patients en fin de vie, et les termes « maladies dégénératives », « état végétatif ou pauci-relationnel » et « obstination déraisonnable » n’apparaissent dans les médias. En arrière-plan, ce sont souvent des drames familiaux, des accidentés de la vie, avec de lourds affrontements juridiques entre membres de famille et corps médicaux. Les progrès de la science en matière médicale permettent certes des améliorations notables de l’état de santé de certains patients, mais quand cela est impossible ils cherchent à accompagner le plus sereinement possible ces patients en fin de vie, dans le cadre de soins palliatifs.

 Les évolutions à l’œuvre sont telles qu’elles permettent désormais un « maintien artificiel de la vie » des patients, là où sans de tels soins, l’organisme ne survivrait pas seul. La définition des soins cependant est en elle-même épineuse, certaines personnes refusant à la nutrition et à l’hydratation le caractère de « thérapeutique » qu’en France, la loi Léonettii leur confère. Cette loi vise justement à limiter l’acharnement thérapeutique, en autorisant l’arrêt des soins quand ceux-ci ne sont qu’un maintien artificiel de la vie et constituent une « obstination déraisonnable »ii. Les affaires précitées posent de profondes questions éthiques : un homme ou une femme peut-il décider de sa propre mort ? Dans le cas d’une personne inconsciente ou incapable, l’avis des médecins peut-il prévaloir sur celui des parents ? Celui-ci doit-il seulement être pris en compte ? Y-a-t-il une chance que les traitements procurés entraînent une amélioration de l’état du patient ? Si non, est-il raisonnable de lui procurer de tels soins et de telles ressources médicales quand d’autres pourraient en profiter davantage ? Les questions sont nombreuses, et varient selon l’état du patient – conscient, inconscient, végétatif.

 

(Lien : https://revdh.revues.org/3288)  

 

Pour citer ce document : Vincent Tessier, « Ouverture et encadrement des soins de thanatopraxie : Évolutions pratiques et idéologiques du traitement des corps », in Revue des droits de l’homme, 3 octobre 2017.

 

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